Judit Reigl "Genèse des Écritures d'après musique": février 2012

TEXTE paru dans le catalogue d'exposition "Judit Reigl - 22 écritures d'après musique" publié en mars 2012 par la galerie de france dans le cadre de son exposition éponyme

 

 

Genèse des Écritures d'après musique


Changer le négatif en positif semble être mon devoir à vie. Le résoudre sans cesse, à répétition. C'est à cela que sert ma peinture depuis le début jusqu'à aujourd'hui, avec une phase particulière de 1973 à 1984 qui s'appelle Déroulement et Suite de déroulement. Titre que j'applique depuis à toute mon œuvre dans laquelle une série engendre l'autre (Panta Reï).


Il existe une seule série de petit format sur papier, Écriture d'après musique, qui me semblait être une rupture rarissime dans ce flux.


En 1965, une épicondylite du coude m'a fait perdre pendant un an la capacité de peindre des grands formats de tout mon corps comme je le fais normalement. Mais en m'appuyant sur une table, j'arrivais tout juste à faire des petits dessins à partir du poignet, d'où cette série de rupture Écriture d'après musique. En écoutant de la musique classique non-stop sur France-Musique, j'essayais très vite de la suivre en l'écrivant et parfois même, je réussissais à écrire le nom du compositeur.


Récemment, les questions pertinentes de mon ami Y. G. m'ont fait réfléchir, et j'ai découvert que cette série fait aussi partie (contrairement à ce que je pensais) de l'ensemble Déroulement.


Pourquoi ?


Parce que c'est semblable à une rivière qui devient souterraine pour un temps; pareil à la rivière Buèges (que j'aime retrouver chaque année dans l'Hérault depuis 30 ans) qui parfois coule sous terre pour ressortir plus loin à la lumière. La musique et l'écriture simultanées me permettent de saisir ce que j'entends, le rythme, la pulsion, la pulsation : la source primordiale même de la musique et de l'art.


La vie sans commencement et sans fin.


Sur ce flux, je flotte sans désir même d'arriver jusqu'à la mer, contente avec la plénitude-vide de l'instant présent.


Il n'y a pas de rupture.


Judit Reigl

Marcoussis, février 2012