1973-85 | Série "Déroulement"

  •                    Exposition Judit Reigl, Galerie de France, Paris, 2006 © Photo P.H.Müller

     

    « Le Déroulement, c'est ça : une action dans la durée pour trouver cette source fixe qui permet que le mouvement existe. » 

    Judit Reigl - Entretien avec Jean-Paul Ameline réalisé pour le magazine Art in America, avril 2009

     

    « Première phase - J'étends une balle de coton fine (240 cm de large) à partir d'un coin de l'atelier, agrafant uniquement le haut, sur les blocs - d'épaisseur et inclinaison variées - que forment mes anciens tableaux adossés contre le mur. Tout le long de l'atelier sera couvert ainsi, les différents plans - avancés ou en retrait - et le vide entre les groupes de tableaux dispersés. Un pan de mur également, puis la porte - sur ces derniers, le tissu pend verticalement. Voici un chemin blanc ininterrompu qui coule, contourne, change de direction à l'angle de l'atelier, enjambe les obstacles, passe à la fois devant et derrière moi, ne s'arrêtant enfin que faute de place.

     

    Deuxième phase - Je mets en marche la radio, trouve une musique, non pas comme stimulant ou inspiration, mais pour élargir la limitation de mes mouvements et gestes, en les accordant - physiquement - à une exigence extérieure. Je me mets aussi en marche, touchant, ponctuant, effleurant la toile à chaque pas avec un pinceau trempé dans la peinture glycérophtalique. Je capte et j'émets à la fois des bribes (ni forme, ni écriture, ni ligne) horizontalement, d'avancée en avancée ondulatoire. Commençant par le haut de gauche à droite, m'étirant d'abord, puis remplissant le champ, de plus en plus courbée. Ne cessant pas de moduler à mon rythme corporel la fréquence de la musique et/ou à la fréquence de la musique mon rythme corporel. Si la musique s'arrête je m'arrête; si elle change, je continue - d'une façon discontinue - jusqu'à ce que l'inscription, totalement décodée, envahisse tout l'espace disponible (laissant les vides seulement là où le champ pictural n'a pas de support derrière lui, ou quand le silence la coupe, ou l'angle, les saillies la cassent). »
    J. Reigl in catalogue de la rétrospective Judit Reigl, Maison de la Culture, Rennes, 1974

    « [Les] séries qui suivent Déroulement, viennent de la même source d'où sont issues la musique ou la poésie, c'est-à-dire du geste élémentaire, du rythme, du tempo, de la pulsation. »

     

    Judit Reigl, dans le catalogue de l’exposition Judit Reigl, Rétrospective, Rennes, Maison de la Culture, 1974